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Cour d’Assises du Gard : incident d’audience, les droits de la défense bafoués

💥 Le 20 mars 2023, lors d’une audience devant la Cour d’assises du Gard, un accusé a insulté son conseil avant de cracher sur la robe de ce dernier, portant ainsi une atteinte élémentaire à son honneur et à sa réputation.

🔇 Suite au retrait dudit avocat, Madame la Bâtonnière s’est saisie du dossier de l’accusé et a sollicité un renvoi, lequel a été refusé par la Cour d’assises du Gard. Consécutivement, Madame la Bâtonnière a mobilisé « l’interdit à la barre ». Le procès a donc suivi son cours sans la parole des avocats, y compris ceux des parties civiles.

Le mercredi 22 mars 2023, suite à un nouveau refus de renvoyer l’affaire, Madame la Bâtonnière a intimé aux avocats Nîmois de ne pas plaider devant le Tribunal Judiciaire et la Cour d’appel jusqu’au vendredi 24 mars 2023.

💢⚠ Par un communiqué de soutien en date du 23 mars 2023, la Conférence des Bâtonniers s’indigne de ce que le président de la Cour d’assises n’ait pas suspendu immédiatement l’audience, ni pris l’initiative de faire appel à la Bâtonnière et aux chefs de juridictions, alors que cet avocat ne pouvait naturellement plus assurer la défense de son client.

Le cadre juridique de la police de l’audience pénale

⚖ Lorsqu’un incident d’audience impliquant un avocat survient, c’est l’article 404 du Code de procédure pénale qui est mobilisé, lequel dispose « Lorsque, à l’audience, l’un des assistants trouble l’ordre de quelque manière que ce soit, le président ordonne son expulsion de la salle d’audience (…) ».

Ces dispositions ne sont pas propres aux incidents impliquant un avocat mais s’appliquent plus généralement aux incidents impliquants ceux qui « assistent » à l’audience.

💭💡 Or, le Conseil National des Barreaux avait, dès 2022, engagé une réflexion relative à l’introduction d’une disposition

Proposition de création d’un article propre aux incidents d’audience impliquant un avocat

📚🖋 L’affaire dite “Sollacaro” datant du mois de mars 2021, avait amené le CNB à réfléchir sur une réforme des dispositions afférentes à la police de l’audience. La Commission Libertés et Droits de l’Homme du Conseil National des Barreaux avait présenté en Assemblée générale un rapport en date du 4 février 2022 relatif à l’incident du 11 mars 2021 survenu devant le Tribunal correctionnel d’Aix en Provence.

🤔 Le rapport du CNB proposait de créer un nouvel article 405-1 au sein du Code de procédure pénale consacré aux incidents d’audience impliquant un avocat, article distinct des articles 404 et 405 du même code concernant les « assistants » et les justiciables.

🤝 Ce nouvel article viserait à objectiver le règlement du conflit à travers l’intervention du Président de la juridiction et du Bâtonnier.

Aussi, le CNB suggérait que les incidents ne soient pas réglés en audience publique mais en chambre du conseil.

🥑 Selon le CNB, le texte de l’article 405-1 CPP, de nature législative, pourrait être rédigé comme suit :
« Si le président estime que l’ordre de l’audience est troublé par un avocat, celle-ci est suspendue et le bâtonnier ou son délégataire est appelé immédiatement. Les chefs de la juridiction en sont aussitôt informés. Ensemble, ils recherchent en chambre du conseil une résolution amiable de l’incident. »
OU
« Aucun avocat ne peut être expulsé ou écarté d’une salle d’audience alors qu’il exerce les droits de la défense de son client. Si un incident survient avec un avocat et ne peut être résolu directement par le président et l’avocat, le président ne peut prendre aucune décision concernant cet avocat sans s’être préalablement entretenu en chambre du conseil, au cours d’une suspension d’audience, avec le bâtonnier du barreau dans le ressort de la juridiction ou son délégué afin de tenter de trouver, avec l’avocat concerné et l’assistance du bâtonnier, une solution amiable à l’incident. Les chefs de la juridiction en sont aussitôt informés. Dans tous les cas, le président veille au respect des droits de la défense. »

Le CNB a par ailleurs précisé que ces dispositions auraient vocation à s’appliquer devant l’ensemble des juridictions, en matière civile, devant la Cour d’assises ou encore dans le Cabinet d’un juge d’instruction.

Cet article éviterait, contrairement aux dispositions en vigueur, que le président de l’audience soit à la fois juge et partie d’un incident d’audience impliquant un avocat.

👨⚖ Aussi, le projet prévoit d’ouvrir la possibilité pour les avocats de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. En effet, lors de l’affaire « Sollacaro », ce dernier avait saisi le CSM, lequel avait considéré que n’étant pas un justiciable, sa demande était irrecevable. L’affaire révèle ainsi que l’avocat ne dispose d’aucun recours lorsque celui-ci se trouve confronté au comportement fautif d’un magistrat.

🔎💥 Cette proposition mériterait assurément d’être effective le plus rapidement possible dans l’intérêt de l’exercice des droits de la défense.

En cas d’incident, il convient de rappeler que l’appel au Bâtonnier reste le réflexe nécessaire pour le solutionner.