Actualités du barreau

Motion relative à la mise en place d’un guichet unique

Le Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de Lyon, réuni en sa séance du 5 avril 2023, sous la présidence de Madame la Bâtonnière Marie-Josèphe LAURENT, et de Monsieur le Vice-Bâtonnier Jean-François BARRE ;

CONNAISSANCE PRISE de l’article 1er de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019, et son décret d’application n°2021-300 du 18 mars 2021, qui prévoit la mise en place d’un guichet unique électronique devant recevoir, à compter du 1er janvier 2023, les formalités de création, de modification et de cessation d’entreprises, quelle que soit la nature des activités qu’elles exercent, et quelle que soit la localisation géographique de leur siège social ;

REGRETTE que les avocats n’aient pas été associés aux développements en cours afin qu’ils puissent s’identifier par l’intermédiaire d’e-Dentitas comme ils le font actuellement sur infogreffe ;

RAPPELLE que traditionnellement, les avocats pouvaient réaliser des formalités (immatriculations, modifications, et liquidations de sociétés) pour leurs clients professionnels par l’envoi des dossiers « papiers » au greffe du Tribunal de commerce ou de manière dématérialisée par le site infogreffe. Ce dispositif, d’une grande fluidité, fonctionnait sans difficultés et permettait d’obtenir notamment des Kbis à jour, essentiels à la bonne marche des entreprises, dans un délai de 24 à 48 heures ;

RELEVE que depuis le 1er janvier 2023, toutes les formalités concernant les entreprises doivent obligatoirement être effectuées sur un nouveau site Internet, le « guichet unique » de l’INPI, qui les transmet ensuite au greffe concerné, et qu’il n’est désormais plus possible de réaliser des formalités directement auprès des greffes des Tribunaux de commerce ;

CONSTATE depuis le 1er janvier 2023 et jusqu’à ce jour de trop nombreux dysfonctionnements de la plateforme sécurisée de l’INPI :

  • Impossibilité d’accès, pour des périodes assez significatives, et à maintes reprises,
  • Lenteurs et ruptures de connexions récurrentes,
  • Difficultés de consolidation de différents répertoires empêchant d’accomplir des formalités,
  • Absences de reconnaissance par le système de certaines entreprises,
  • Demandes de pièces justificatives inutiles et non visées par les textes légaux et réglementaires,
  • Rejets de formalités ou demandes complémentaires non justifiées,
  • Impossibilité de connaître l’état d’avancement du traitement des formalités en cours,
  • Questions hors contextes lors du remplissage en ligne du dossier.

CONSTATE, en conséquence, que lorsque le site est accessible, la majorité des formalités est tout simplement impossible à réaliser, que certaines formalités qui pouvaient être réalisées en quelques minutes sur infogreffe, nécessitent près d’une heure de saisie, voire davantage. Et que pour d’autres formalités, de multiples documents et informations, non exigés par la Loi sont réclamés ;

DEPLORE en outre que les délais de traitement prévisionnels de cette nouvelle plateforme, lorsqu’elle sera fonctionnelle, semblent être de plusieurs semaines, alors que l’ancien système permettait d’obtenir un retour rapide, et qu’en tout état de cause de tels délais sont incompatibles avec la vie des affaires ;

CONSTATE qu’en dépit des alertes formulées, sur ces dysfonctionnements et le caractère non opérationnel de ladite plateforme du guichet unique, la date de mise en œuvre au 1er janvier 2023 a été maintenue, et qu’un arrêté a été pris le 28 décembre 2022 pour l’application de l’article R 123-15 du code de commerce afin d’assurer la continuité du service public, grâce à une procédure de secours ;

RELEVE que la procédure de secours proposée consiste en la réouverture du logiciel « guichet entreprise », non remis à jour depuis plusieurs années, et dont l’obsolescence, ne lui permet pas de fonctionner davantage que la plateforme du guichet unique ;

RELEVE que pour pallier ces multiples dysfonctionnements des réouvertures partielles du site Infogreffe ont été décidées, mais dont l’accès est limité à certaines formes sociales, dont les sociétés commerciales sont exclues, et/ou certaines formalités, traitées par les greffes, sous format « papier » exclusivement ;

CONSTATE que l’ensemble des institutions administratives, fiscales et autres organismes sociaux auxquels les immatriculations, modifications ou liquidations des entreprises, sont notifiées par le biais des Centres des Formalités des Entreprises, ne font pas preuve d’indulgence quant à la situation actuelle qui ne permet pas d’obtenir un retour rapide des formalités soumises au Guichet Unique ;

DEPLORE tant le chaos que l’insécurité juridique en résultant, au préjudice des acteurs économiques exerçant une activité économique sur le territoire national ;

CONSTATE que pour tenter de remédier à ces multiples désordres, il est demandé aux cabinets d’avocats de renseigner un formulaire pour signaler tout dysfonctionnement de la plateforme du guichet unique ;

CONSTATE qu’au regard des multiples et innombrables dysfonctionnements actuels décrits ci-avant, subis par les cabinets d’avocats, cette remontée d’information ne constitue nullement une solution satisfaisante, et implique de renseigner un formulaire, lors de l’accomplissement de chaque formalité, accroissant encore le temps perdu dans l’utilisation de cette plateforme par les cabinets d’avocats ;

CONSTATE que nonobstant les mandats écrits dont sont titulaires les cabinets d’avocats, lors de l’accomplissement des formalités effectuées via la plateforme du guichet unique, aucun retour n’est communiqué aux cabinets d’avocats, mandataires de l’entreprise, pour l’accomplissement des formalités ; que les cabinets d’avocats ne sont pas destinataires des documents officiels à jour des formalités soumises, et qu’ils doivent commander et payer l’extrait kbis y afférent ;

CONSTATE qu’alors que les formalités d’immatriculations sur le Guichet Unique sont encore loin d’être aussi performantes que le système infogreffe précédent, la reprise et réouverture, depuis le 21 mars 2023, par le Guichet Unique, des formalités de cessation présentent déjà des disfonctionnements (demande de champs complémentaires inutiles impossibles à remplir, système de signature électronique des mandataires non reconnue …)

S’INQUIETE de ces nouveaux dysfonctionnements et de la reprise et réouverture annoncées pour la fin avril, par le Guichet Unique, des millions de formalités relatives aux modifications qui ne pourront manifestement pas du tout être traitées par le logiciel du Guichet Unique ;

CONSTATE que de nouveau, il est demandé aux cabinets d’avocats de servir de test grandeur nature, à la mise sur le marché d’un logiciel inabouti, mettant à l’épreuve et dans la souffrance, inutilement l’ensemble des salariés et collaborateurs de leurs cabinets, alors que ces tests auraient dû être réalisés avant tout lancement du Guichet Unique ;

RELEVE que cet état de fait est incompatible :
– avec la réactivité indispensable à la bonne marche des entreprises, ainsi qu’au respect de certaines de leurs obligations légales,
– avec le bon fonctionnement des cabinets d’avocats, dont la réactivité et la diligence sont mises à mal par cette nouvelle plateforme ;

CONSTATE donc que l’entrée en vigueur de cette plateforme obligatoire nuit au bon fonctionnement des entreprises françaises, en ce qu’elle :

  • Empêche, pour beaucoup, la réalisation de leurs formalités juridiques, et par conséquent de leur développement, au détriment de l’économie nationale,
  • Démultiplie le temps de traitement des formalités pour les cabinets d’avocats, qui ne pourront plus les réaliser dans un délai raisonnable,
  • Fait subir directement aux cabinets d’avocats le caractère chronophage de ces délais de traitement et ces dysfonctionnements,
  • Impose aux entreprises des délais de traitement incompatibles avec le rythme des affaires et leurs nécessaires performances, de nature à porter préjudice à leurs activités, voire à les fragiliser,
  • Impose aux entreprises des retards qui sont incompatibles avec certaines de leurs obligations légales, leur faisant encourir des sanctions, ce qui n’est pas concevable pour les chefs d’entreprise dont l’honnêteté et l’intégrité se trouvent mises à mal ;

NE PEUT ADMETTRE que ces dysfonctionnements puissent nuire à l’économie nationale ainsi qu’à ses acteurs et perturber l’activité tant des entreprises que des cabinets d’avocats ;

NE PEUT ADMETTRE que ces dysfonctionnements perdurent davantage, la continuité du service public n’étant plus assurée ;

EN CONSEQUENCE ;

DEMANDE au Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique :

  • de cesser de tester son nouveau logiciel sur l’ensemble des acteurs économiques nationaux ;
  • de résoudre les dysfonctionnements constatés dans les plus brefs délais, et de décaler de plusieurs mois l’entrée en vigueur de cette plateforme, tant qu’il n’y aura pas entièrement remédié,
  • et tant que toutes les difficultés techniques n’auront pas été résolues, de conserver la plateforme INFOGREFFE en service pour les cessations et modifications et de remettre en service la plateforme INFOGREFFE pour les immatriculations, pour permettre aux Avocats de continuer à réaliser leurs formalités directement avec les Greffes dans l’intérêt de leurs entreprises clientes.

Fait à Lyon, le 5 avril 2023

Madame la Bâtonnière Marie-Josèphe LAURENT,
Monsieur le Vice-Bâtonnier Jean-François BARRE,
Les Membres du Conseil de l’Ordre représentant les avocats au Barreau de Lyon.